Une équipe française vient de dater les forts séismes survenus, au cours des derniers 12 000 ans, sur sept failles actives de la région de l’Italie centrale par la méthode du chlore 36 (36Cl). Cette étude révèle un comportement inattendu de cet ensemble de failles où 30 forts séismes se sont produits en salves synchrones. Elle suggère de plus de nouvelles pistes pour anticiper la magnitude et la période d’occurrence à 100/200 ans près des prochains grands séismes. Cette étude est parue le 6 septembre en ligne dans Journal of Geophysical Research. |
Depuis plusieurs décennies, les géologues étudient le passé des failles actives pour tenter de déterminer « l’intensité » (i.e., la magnitude) et le temps de retour des plus forts séismes que ces failles ont produits, et produiront donc encore.
C’est à une étude de ce type que se sont livrés les auteurs de l’article dans la région sismique de l’Italie centrale, où s’est produit le séisme meurtrier de l’Aquila en 2009. Sept failles ont été identifiées pour cette étude. La méthode novatrice qu’ils ont utilisée a consisté à dater le temps d’exposition à l’air libre de roches carbonatées par le dosage du nucléide cosmogénique 36Cl. En effet, lorsqu’un séisme se produit, dans le cas notamment de failles normales où un bloc se soulève par rapport à un autre, des roches sont mises brutalement à nu. Elles deviennent exposées à l’air et soumises au rayonnement cosmique. L’interaction entre les particules très énergétiques du rayonnement cosmique, en particulier les neutrons et des muons, et le calcium (Ca) contenu dans les roches carbonatées entraîne la production de 36Cl. Les spécialistes peuvent ainsi dater un fort séisme en mesurant la durée de l’exhumation des roches par le dosage du 36Cl qu’elles contiennent en surface, et déterminer les déplacements produits par le séisme en mesurant la surface exhumée.
Plus de 800 mesures chimiques du 36Cl ont ainsi été réalisées sur des accélérateurs nationaux (ASTER – CEREGE ) et américains (Lawrence Livermore, CA) permettant de documenter de façon très précise les âges et déplacements de plus de 30 forts séismes s’étant produit au cours des derniers 12 000 ans dans la région de l’Aquila. Ces résultats sont sans précédent car ils constituent les plus longs enregistrements de forts séismes passés jamais obtenus à ce jour dans le monde.
La plupart de ces forts séismes se sont produits de façon synchrone sur toutes les failles analysées, pourtant généralement distantes de plusieurs dizaines de km. Les forts séismes se sont par ailleurs répétés en grands cycles pluri-événements, alternant des phases sans séisme relativement longues (pas ou ≈ 1 événement pendant 3000-4000 ans) et des phases d’activité sismique paroxysmale voyant la succession de 3 à 5 forts séismes sur une même faille dans une période de temps très courte de l’ordre de 1000 ans.
Sur chaque faille, le déclenchement des phases paroxysmales semble avoir été contrôlé par un niveau-seuil de déformation atteint sur la faille. Par ailleurs, la quantité de déformation relative accumulée sur une faille à un instant donné semble contrôler la taille du prochain fort séisme, c’est–à-dire l’amplitude de déplacement produit et donc sa magnitude, ainsi que sa date d’occurrence. C’est la première fois qu’un tel contrôle est déterminé. Ce résultat est extrêmement important car il met en avant un comportement de failles qui pourrait peut-être permettre d’anticiper la magnitude (Mw à ± 0.1-0.2 près) et la date d’occurrence, à ± 100-200 ans près, du prochain fort séisme à venir sur une faille donnée.
Ce travail a été mené grâce au soutien de l’ANR (programme CATELL 2006), dans le cadre du projet QUAKonSCARPS coordonné par I. Manighetti et qui a fédéré 5 laboratoires nationaux -Isterre (porteur du projet ANR), Cerege, IPGP, Montpellier II, et Géoazur.
CEREGE (Aix-Marseille Université/CNRS/IRD)
Tel : 06 86 56 24 98
Géoazur (CNRS-UNS-IRD/OCA)
Tel : 04 83 61 86 35