Parmi la flotte de télescopes destinés à observer et mieux comprendre l’Univers, le futur télescope spatial Nancy Grace Roman, développé par la NASA, va permettre de grandes avancées dans le domaine de la cosmologie et de la planétologie. Le télescope embarquera un coronographe, démonstrateur technologique capable de détecter et étudier les exoplanètes similaires à Jupiter dans notre Système solaire, en mesurant de manière directe la lumière de leur étoile qui se reflète sur le sommet de leur atmosphère en direction de la Terre. L’instrument permettra d’atténuer le signal de l’étoile d’un facteur de plus de 100 millions pour révéler le signal extrêmement faible de ses planètes voisines. L’instrument de démonstration technologique a récemment quitté le Jet Propulsion Laboratory de la NASA pour le Goddard Space Flight Center où il rejoindra le reste de l’observatoire spatial en vue d’un lancement au plus tard en mai 2027.
Le CNES et le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM – Aix-Marseille Université, CNRS, CNES) ont été sollicités par la NASA pour fournir des optiques de très haute qualité, développées par le LAM. Grâce à ce démonstrateur et à ses performances, Roman va permettre pour la première fois de détecter cette lumière réfléchie dans les longueurs d’ondes visibles afin d’étudier la composition des atmosphères de ces lointaines exoplanètes et ainsi mieux comprendre leur formation. Les équipes de recherche françaises sont largement impliquées dans la préparation technique et scientifique de la mission et pourront ainsi accéder aux données lorsque le satellite sera en vol. En plus des fournitures des miroirs du coronographe, le CNES et le CNRS participent activement aux activités de planification des observations, de préparation des outils d’analyse et d’interprétation des données, ainsi que de planification de la phase de vérification en vol de l’instrument qui aura lieu dans les trois mois suivant le lancement. Le coronographe de Roman prépare également de futures missions de la NASA et de l’ESA, capables de détecter et d’étudier des planètes habitables. Pour ces missions, la qualité des optiques devra encore être améliorée d’un facteur 10 et les développements technologiques nécessaires sont d’ailleurs déjà en cours au LAM.
L’instrument coronographique s’annonce très prometteur. Avant son transfert, celui-ci a subi le test le plus complet de ses capacités de blocage de la lumière des étoiles, ce que les ingénieurs appellent “creuser la zone sombre”. L’instrument coronographique a démontré pleinement ses performances, notamment grâce aux optiques françaises.
Des coronographes munis de masques volent déjà dans l’espace, mais ils n’ont pas la capacité de détecter une exoplanète semblable à la Terre. Depuis un autre système stellaire, notre planète apparaîtrait environ 10 milliards de fois moins lumineuse que le Soleil et les deux sont extrêmement proches l’un de l’autre. Par conséquent, essayer d’obtenir une image directe de la Terre reviendrait à essayer de voir une luciole à côté d’un phare à une distance de 5 000 kilomètres. Avec les technologies coronographiques actuelles, même l’éblouissement d’une étoile masquée écrase une planète semblable à la Terre.
Le coronographe Roman fera la démonstration de techniques permettant d’éliminer davantage de lumière stellaire indésirable que les coronographes spatiaux actuels, grâce à l’utilisation de plusieurs composants mobiles. Ces éléments en feront le premier coronographe “actif” à voler dans l’espace. Ses principaux outils sont deux miroirs déformables, chacun d’un diamètre de 5 centimètres, soutenus par plus de 2 000 minuscules actionneurs pistons qui se déplacent vers le haut et vers le bas. Les pistons travaillent ensemble pour modifier la forme des miroirs déformables afin qu’ils puissent compenser la lumière parasite indésirable qui se répand sur les bords des masques. Les miroirs déformables permettent également de corriger les imperfections des autres optiques du télescope Roman. Bien qu’elles soient trop petites pour affecter les autres mesures très précises du télescope, ces imperfections peuvent envoyer de la lumière parasite dans la zone sombre. Des modifications précises de la forme de chaque miroir déformable, imperceptibles à l’œil nu, compensent ces imperfections. Les résultats obtenus par la caméra du coronographe montrent donc une région en forme d’anneau beignet autour de l’étoile centrale, qui s’assombrit lentement au fur et à mesure que l’équipe éloigne la lumière de l’étoile, d’où le surnom de “creuser le trou noir”. Dans l’espace, une exoplanète tapie dans cette région sombre apparaîtrait lentement au fur et à mesure que l’instrument fait son travail avec ses miroirs déformables.
Plus de 5 000 planètes ont été découvertes et confirmées autour d’autres étoiles au cours des 30 dernières années. La plupart d’entre elles ont été détectées indirectement, c’est-à-dire que leur présence est déduite de la façon dont elles affectent leur étoile parente. Il est beaucoup plus facile de déceler ces changements relatifs dans l’étoile parente que de voir le signal d’une planète beaucoup moins lumineuse. Moins de 70 exoplanètes ont fait l’objet d’une image directe. Les planètes qui ont été directement imagées à ce jour ne ressemblent pas à la Terre, il s’agit de planète gazeuses beaucoup plus grosses, plus chaudes et plus éloignées de leur étoile mère. Ces caractéristiques les rendent plus faciles à détecter mais aussi moins propices à la vie telle que nous la connaissons. Pour rechercher des mondes potentiellement habitables, les scientifiques ont besoin d’images de planètes qui sont non seulement des milliards de fois moins lumineuses que leur étoile, mais qui orbitent également à la bonne distance pour que de l’eau liquide puisse exister à la surface de la planète (un précurseur du type de vie que l’on trouve sur Terre).
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