Un groupe international de scientifiques d’Europe, des États-Unis et d’Asie incluant des scientifiques du CNRS (voir encadré), explore comment les deltas fluviaux ont joué un rôle central dans le développement des sociétés au cours des 7 000 dernières années. Depuis l’essor des premiers centres de pouvoir et des cités-États en Mésopotamie, dans le delta du Nil et dans les deltas asiatiques, l’étude révèle comment la croissance naturelle de ces deltas — alimentée par les sédiments des fleuves — a accompagné le progrès humain. Les deltas ont favorisé des innovations en gestion de l’eau, contrôle de la subsidence et atténuation de l’érosion, créant ainsi une profonde interdépendance entre la civilisation humaine et ces environnements dynamiques. Cependant, alors que les deltas continuent de soutenir des mégapoles et de vastes activités économiques, ils sont de plus en plus sous pression à l’Anthropocène.
Pour assurer leur durabilité, les deltas doivent résister à l’élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique. Pourtant, les pressions humaines et la réduction des apports sédimentaires les rendent de plus en plus vulnérables, ce qui constitue une menace majeure pour leur survie. L’étude expose les défis critiques auxquels sont confrontés les deltas, notamment en matière de gouvernance, de gestion et de planification, et souligne l’importance des nouvelles technologies et stratégies pour répondre à ces problèmes. Malgré les solutions potentielles, les auteurs insistent sur le fait que sans stabilisation du climat, il sera extrêmement difficile de préserver les deltas. Dans les scénarios d’élévation extrême du niveau de la mer (jusqu’à ou dépassant deux mètres dans les deux prochains siècles), les deltas pourraient progressivement s’enfoncer, rendant la vie humaine et les activités économiques dans ces régions insoutenables.
Cette étude envisage un avenir marqué par des migrations massives depuis des deltas inondés vers des terres plus élevées, mettant potentiellement fin à la longue relation entre les humains et les deltas. En fin de compte, le monde pourrait devoir s’adapter à vivre avec des deltas partiellement ou entièrement submergés.
Edward Anthony, Enseignant-chercheur au CEREGE