Dans un souci de préservation des requins peau bleue, une espèce aujourd’hui presque menacée d’extinction, des chercheurs de l’Institut méditerranéen d’océanographie (MIO/OSU Institut Pythéas, CNRS / AMU / IRD / UTLN) et de l’Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, AMU / CNRS / École Centrale Marseille) se sont intéressés à l’utilisation d’aimants pour limiter leur prise au cours de la pêche à la palangre. Hélas ! Il s’avère que ces aimants attirent les requins peau bleue plutôt qu’ils ne les repoussent.

Fortement exploité depuis plusieurs années par rapport à son abondance dans l’Atlantique Nord, le requin peau bleue (Prionace glauca) est une espèce presque menacée d’extinction (statut IUCN 2013). Il constitue en effet l’une des principales prises de la pêche à la palangre 1 que mènent les armateurs espagnols et portugais dans l’Atlantique Nord, même lorsqu’il n’est pas l’espèce ciblée par les pêcheurs qui préféreraient trouver sur leurs hameçons, pour des raisons de rentabilité, des espadons ou des thons.

Requin peau bleue capturé par la palangre de surface en Atlantique Nord-Est
Crédit : Sébastien Biton Porsmoguer

Les requins sont dotés d’un organe électro-sensoriel appelé ampoules de Lorenzini, constitué d’un système complexe de capteurs reliés à des récepteurs positionnés autour de leur museau et de leur tête et capables de détecter les ondes électromagnétiques. Du fait que tout être vivant émet un faible champ magnétique, les requins peuvent ainsi localiser leurs proies.

Des chercheurs ayant remarqué de manière fortuite en laboratoire que leur requin cherchait à fuir un aimant placé près de lui, des tests ont été réalisés avec différentes espèces de requins. Il s’avère que ce comportement vis-à-vis des aimants n’est pas le même pour toutes les espèces. Qu’en est-il pour le requin peau bleue ? Ce requin ne pouvant vivre en captivité, son comportement n’a jamais été testé. Se pourrait-il que les aimants fassent fuir ces requins et puissent ainsi être utilisés dans la pêche à la palangre pour en limiter la prise ?

Position de l’aimant sur l’hameçon
Crédit : Christophe Almarcha

C’est à cette question que des chercheurs du MIO et de l’IRPHE ont cherché à répondre en testant pendant 3 jours, dans des conditions réelles de pêche à la palangre, l’effet de deux modèles d’aimants en néodyme, à haute résistance dans le temps et à puissance magnétique élevée, mais de taille différente. Un hameçon sur deux a été équipé d’un aimant. La palangre a été divisée en trois zones qui ont été plongées dans l’eau successivement, de manière à pouvoir étudier trois durées d’immersion.

Ces tests ont permis de montrer que, quelle que soit la durée d’immersion des hameçons, les captures de requins peau bleue étaient plus élevées au niveau des hameçons munis d’aimants qu’au niveau des hameçons sans aimant, et d’autant plus élevées que l’aimant utilisé était plus grand et donc plus puissant. Ainsi, les aimants auraient un effet attractif sur les requins peau bleue et leur utilisation dans la pêche à la palangre ne pourrait que les piéger !

En outre, les mesures physiques réalisées durant cette étude ont révélé un aspect pratique important à prendre en compte : à leur sortie de l´usine de fabrication, les hameçons sont déjà légèrement aimantés et pourraient donc attirer le requin peau bleue, même en l’absence d’aimant !

Auteur/autrice

1. La palangre de surface est une ligne-mère de 50-90 km de long sur laquelle sont fixées des lignes dotées à leur extrémité d´un hameçon et d´un appât, qui est plongée dans l’eau à une profondeur de 20 m environ.