Une équipe internationale composée principalement de chercheurs français a révélé la présence de poussières exogènes à la surface de la planète naine Cérès (le plus gros astéroïde de la ceinture principale). Cette contamination provient vraisemblablement d’un nuage de poussières situé dans la ceinture principale externe et qui s’est formé à la suite d’une collision récente (<10 millions d’années). Cette étude remet en question le lien de parenté entre Cérès et les astéroïdes de sa classe spectrale (dits de type C) et ouvre la possibilité d’une origine trans-Neptunienne : Ceres et Orcus pourraient être « jumeaux ». Cette étude est publiée le 16 janvier 2017 dans The Astronomical Journal.

Les poussières interplanétaires, qui sont à l’origine de la plupart des étoiles filantes, représentent la fraction la plus importante de la matière extraterrestre accrétée par la Terre. Une équipe menée par Pierre Vernazza chargé de recherche CNRS au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM – CNRS/Université Aix-Marseille) a démontré qu’il en est vraisemblablement de même pour les astéroïdes.

Pour cette étude, les observations ont été réalisées dans l’infrarouge thermique avec SOFIA, un télescope embarqué à bord d’un avion.
Crédit : DLR

Pierre Vernazza explique « en analysant les propriétés spectrales de la planète naine Cérès, nous avons détecté la présence d’un composant anhydre à sa surface (des particules fines de pyroxène). Or tous les modèles d’évolution thermique pour cet objet prédisent une surface composée uniquement de minéraux hydratés (carbonates, phyllosilicates). L’hypothèse d’une origine endogène pour les particules de pyroxène semble ainsi peu plausible et une origine exogène apparaît comme la plus probable ».

L’équipe s’est ensuite penchée sur la source de cette contamination. Les bandes de poussières produites au sein de la ceinture principale à la suite de collisions majeures entre astéroïdes apparaissent comme les sources les plus probables. En particulier, la bande dite alpha, issue de la famille collisionelle Beagle (une sous famille de celle de Thémis) s’est formée il y a moins de 10 millions d’années et constitue une source majeure de poussières dans la partie externe de la ceinture principale. Des observations récentes ont par ailleurs montré que la poussière de pyroxène est une des briques principales à partir de laquelle le corps parent de la famille de Thémis s’est formé. La bande de poussière alpha serait ainsi une source de contamination plausible de la surface de Cérès.

Composition de surface et structure interne de la planète naine Cérès. La surface apparaît comme un mélange de poussières anhydres (pyroxène) vraisemblablement exogènes et de poussières hydratées endogènes (phyllosilicates, carbonates). Les modèles prédisent également la présence d’un noyau rocheux.
Crédit : LAM/NASA/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA

Si le pyroxène observé à la surface de Cérès est de nature exogène, alors plus rien ne relie Cérès aux autres astéroïdes de sa classe spectrale (dits de type C). Le fait que les silicates hydratés à sa surface soient riches en ammoniac ouvre la possibilité d’une origine trans-Neptunienne : Cérès et Orcus pourraient être « jumeaux ». Ainsi, Cérès pourrait, de même que les astéroïdes de type P et D pour lesquelles une origine trans-Neptunienne est évoquée, s’être formé aux confins du système solaire et aurait atterri dans la ceinture principale à la suite de la migration des planètes géantes.

Cette étude suggère par la même occasion que la présence surprenante et à ce jour inexpliquée de pyroxène à la surface des astéroïdes métalliques 1 est une conséquence directe de l’impact de ces poussières. Ainsi, il semble que la contamination par ces particules fines soit un processus global qui affecte la surface de tous les astéroïdes situés à proximité de cette bande de poussières.

Pierre Vernazza conclue « cette étude résout une question de longue date puisqu’on s’est toujours demandé à quel point les signatures spectrales des astéroïdes reflétaient réellement leur composition originelle ou celle des matériaux qui les impactent. Il s’avère que le niveau de contamination ne dépasse pas les 20% et que la composition originelle reste spectralement bien identifiable. »

Auteur/autrice

1. Ces derniers se situent pour la plupart dans la partie externe de la ceinture principale, à proximité de la bande de poussières.