Une équipe internationale d’une centaine de scientifiques, coordonnée par INRAE, le CNRS et l’Université d’Alicante (Espagne), a mené une première étude mondiale afin d’évaluer l’impact du pâturage sur les écosystèmes arides de la planète, où se situent 78 % des parcours. Leurs résultats, publiés le 24 novembre dans la revue Science, montrent que le pâturage est bénéfique sous des climats relativement froids, et dans des zones géographiques montrant une forte biodiversité animale et végétale. A l’inverse, ces effets deviennent largement délétères dans les régions plus chaudes de la planète et pauvres en biodiversité. Les conclusions de cette étude peuvent contribuer à développer une gestion plus durable des pâturages, ainsi qu’à établir des actions de gestion et de restauration efficaces visant à atténuer les effets du changement climatique et de la désertification.
Le pâturage est une activité essentielle à l’élevage d’animaux domestiques. Il assure la subsistance d’une grande partie de la population mondiale, soutient d’importantes activités culturelles et spirituelles et est étroitement lié à de nombreux objectifs de développement durable des Nations Unies. Dans les zones arides, le pâturage est particulièrement important, puisque ces terres constituent 78 % des terres de parcours dans le monde et font vivre plus d’un milliard de personnes qui dépendent directement du bétail comme source de protéines et de revenus. Cependant, le pâturage est également considéré comme un facteur majeur de dégradation des sols et accélérant la désertification dans le monde. Malgré ces enjeux, aucune étude à ce jour n’avait tenté de caractériser l’effet du pâturage à une échelle mondiale. INRAE, le CNRS et l’Université d’Alicante (Espagne) ont associé plus de 100 scientifiques de 26 pays pour mener une vaste enquête de terrain sur 326 zones arides situées sur tous les continents. Ils ont pour cela développé des protocoles standardisés pour évaluer les impacts de la pression croissante du pâturage sur la capacité des écosystèmes mondiaux à fournir neuf services écosystémiques essentiels, parmi lesquels la fertilité et la protection contre l’érosion des sols, la production de fourrage/bois et la régulation du climat.
Des effets contrastés qui dépendent du climat et de la biodiversité
Leurs résultats montrent que l’effet du pâturage peut varier de manière importante à l’échelle globale et dépend directement des conditions climatiques, des sols et de la biodiversité locale. Ainsi, le pâturage est généralement bénéfique en zones arides sous des climats relativement froids comme les steppes de la Mongolie ou de la Patagonie, et dans des écosystèmes montrant une forte biodiversité animale et végétale comme les savanes africaines et le maquis méditerranéen. La diversité des plantes et des mammifères herbivores – tant domestiques que sauvages – promeut dans ces zones la fourniture de services essentiels comme la production de fourrage pour le bétail (qualité et quantité), ou le stockage de carbone, et la fertilité des sols, tout en limitant leur érosion. A l’inverse, les effets du pâturage deviennent largement délétères dans les zones arides plus chaudes et pauvres en biodiversité, par exemple dans certaines zones subdésertiques proches du Sahel, en Namibie, en Australie ou au Mexique (aux marges du désert de Sonora). Ainsi, le surpâturage tend à diminuer les stocks de carbone et la fertilité des sols et à augmenter l’érosion des sols à mesure que le climat devient plus chaud.
Si le pâturage est plutôt bénéfique sous des climats relativement froids, cette étude suggère que le pâturage pourrait interagir avec le changement climatique en cours et réduire la fourniture de services écosystémiques dans les zones arides les plus chaudes de la planète, avec des effets potentiellement dévastateurs pour le devenir de ces écosystèmes et leurs habitants [par exemple, dégradation accrue des sols et désertification]. Dans ce contexte, elle met également en lumière l’importance de préserver la biodiversité des zones arides mondiales dans leur intégralité (animale et végétale), non seulement pour conserver la capacité des écosystèmes aride à fournir des services essentiels pour les êtres humains, mais aussi pour atténuer le changement climatique et maintenir un élevage en climat plus chaud. La réponse des écosystèmes aux changements climatiques en cours – et leur atténuation – pourrait largement dépendre de la manière dont les pâturages sont gérés à l’échelle locale à mesure que le climat global se réchauffe. En résumé il s’agit de « penser globalement, agir localement ».
« Qu’est-ce qu’une zone aride ?
Les zones arides se définissent comme zones tropicales et tempérées avec un indice d’aridité inférieur à 0,65 couvrent 45 % de la surface terrestre et abritent un tiers de la population mondiale. Ils regroupent des écosystèmes subhumide, semi-aride, aride et hyperaride comme le maquis méditerranéen, les steppes, les savanes et les déserts. »
Voir en ligne : Le communiqué sur le site de l’INRAE
Yoann Pinguet, Chercheur CNRS à l’IMBE