Dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), la restauration des écosystèmes est un levier mondialement reconnu pour lutter contre le dérèglement climatique et la perte de biodiversité. Pourtant, des débats persistent sur la forme que doivent prendre ces actions, partagés entre restauration active et ré-ensauvagement. Dans cette synthèse bibliographique parue dans Biological Reviews, une équipe internationale1 démontre que même si la restauration écologique et le ré-ensauvagement partagent le même objectif de régénération d’écosystèmes dégradés suite aux actions humaines, des différences existent cependant dans les démarches et moyens mis en œuvre.

Face à l’effondrement de la biodiversité, la protection des écosystèmes et des espèces rares s’est avérée insuffisante. La restauration des écosystèmes dégradés est donc progressivement apparue en complément des mesures de conservation. Largement reconnue par des accords internationaux (Union Internationale pour la Conservation de la Nature, Convention sur la diversité biologique), elle vise à prévenir, arrêter, voir inverser leur dégradation. Cependant, les mesures employées sont multiples, comme par exemple la restauration écologique et le ré-ensauvagement.

La restauration écologique, « processus d’aide à la récupération d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit »2 , s’est développée dès les années 1930. Le concept de ré-ensauvagement, « processus de reconstruction d’un écosystème naturel après arrêt des perturbations humaines […] afin qu’il redevienne autonome et résilient avec une biocénose qui aurait été présente si la perturbation ne s’était pas produite »3 , a cependant émergé bien plus tard, à la fin des années 1990. Il a beaucoup gagné en popularité au cours de la dernière décennie bien que sa légitimité en tant que discipline à part entière soit encore fortement débattue. Selon certains auteurs, il appartiendrait au continuum des activités de restauration écologique et n’apporterait donc pas de nouveauté. D’autres soulignent au contraire qu’il se différencie de la restauration écologique en encourageant avant tout les processus naturels autodéterminés et les objectifs fonctionnels.

Dans cette étude, une synthèse de la bibliographie scientifique internationale anglophone à partir des termes « rewilding » (1 044 références) et « ecological restoration » (7 834 références) a été réalisée.  Pas moins de 215 articles ont été intégralement lus et analysés.

Si restauration écologique et ré-ensauvagement partagent le même objectif global de restauration des écosystèmes endommagés, cette analyse révèle que leurs démarches sont différentes. A titre d’exemple, le ré-ensauvagement fait surtout appel à des contrôles descendants dits « top-down » via la réintroduction de grands herbivores, tandis que la restauration écologique reconstitue plutôt les communautés végétales, à la base des chaînes alimentaires, pour initier des processus ascendants, ou « bottom-up ».

Figure 1 - Chevaux Tarpans dits de Bilgoraj (Equus ferus gmelini Ant.), un cheval métissé et probablement féral de la période historique et protohistorique, descendant du véritable cheval sauvage Tarpan et introduits à des fins conservatoires par l’Association pour le Retour des grands Herbivores dans les Espaces Naturels (ARTHEN) dans le Bugey (Ain). C’est un exemple de retour au pâturage naturel caractéristique d’une opération de ré-ensauvagement. © Clémentine Mutillod, Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie.
Crédit photo : Thierry Dutoit

En termes de succès, les méta-analyses indiquent que beaucoup d’opérations de restauration écologique ont été incapables d’atteindre l’objectif de retour aux écosystèmes préexistants. Le succès des opérations de ré-ensauvagement est quant à lui encore difficile à quantifier car elles restaient jusqu’à présent plus marginales. C’est en effet l’urgence de restaurer les écosystèmes qui a suscité un enthousiasme récent et une multiplication des projets de ré-ensauvagement.

En conclusion, en attendant les résultats de la comparaison des succès de ces deux approches, notre analyse bibliographique plaide pour leur mutualisation, car l’une n’exclut pas nécessairement l’autre. Enfin, l’augmentation du nombre de projets de restauration et de ré-ensauvagement souligne que nous avons échoué dans de nombreux endroits à conserver des écosystèmes fonctionnels. Il est donc plus que temps d’étudier les possibilités offertes par la complémentarité entre ces deux approches au profit de l’accroissement de la biodiversité et de la fonctionnalité des écosystèmes, seuls garant de notre durabilité sur la planète.

Source : https://www.inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/restaurer-ou-re-ensauvager-la-nature

1. Equipe internationale composée de chercheurs du CNRS, d’INRAE, d’Avignon Université, de l’université de Liège et du centre britannique pour l'écologie et l'hydrologie.
2. Gann, G. D., McDonald, T., Walder, B., Aronson, J., Nelson, C. R., Jonson, J., Hallett, J. G., Eisenberg, C., Guariguata, M. R., Liu, J., Hua, F., Echeverría, C., Gonzales, E. K., Shaw, N. L., Decleer, K., & Dixon, K. W. (2019). International principles and standards for the practice of ecological restoration. Second edition. Restoration Ecology, 27(S1). https://doi.org/10.1111/rec.13035
3. Carver, S., Convery, I., Hawkins, S., Beyers, R., Eagle, A., Kun, Z., Van Maanen, E., Cao, Y., Fisher, M., Edwards, S. R., Nelson, C. R., Gann, G. D., Shurter, S., Aguilar, K., De Andrade, A. G., Ripple, W. J., Davis, J., Sinclair, A. R. E., Bekoff, M.,. . . Soulé, M. E. (2021). Guiding principles for rewilding. Conservation Biology, 35(6), 1882‑1893. https://doi.org/10.1111/cobi.13730