Les arbres des milieux arides chauds vont-ils résister à l’aridification du climat ? Des scientifiques publient dans la revue Global Change Biology une étude portant sur 1 016 espèces d’arbres des milieux arides chauds de la planète. Plus de la moitié de ces espèces devront faire face à un climat encore plus aride dans le futur et connaitront probablement un déclin de leurs populations.
Les milieux arides chauds (en opposition aux milieux arides froids comme la toundra) couvrent environ 20 % des surfaces continentales et abritent plus d’un millier d’espèces d’arbres. Ces arbres occupent une position clé dans le fonctionnement des écosystèmes et ils rendent des services essentiels pour les sociétés humaines qui y vivent : approvisionnement de combustible et matériaux de construction, maintien de conditions favorables à l’agriculture, etc. Avec le changement climatique en cours, lié aux activités humaines, le climat de nombreuses régions du monde devrait devenir de plus en plus aride dans le futur. Au sein des régions arides, cela contribuera au phénomène de désertification, c’est-à-dire la réduction de la productivité des écosystèmes, de leur intégrité et des services qu’ils rendent aux sociétés humaines. Les écosystèmes des milieux arides sont ainsi parmi les plus vulnérables au changement climatique mondial. Conserver les peuplements arborés, voire planter des arbres indigènes à la région aride considérée, font partie des moyens mobilisés pour tenter d’enrayer le phénomène de désertification. Mais ces arbres seront-ils capables de résister à une aridité accrue, dans des milieux où la ressource en eau est déjà très limitée ?
Les scientifiques de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE – CNRS / Aix-Marseille Université / Avignon Université / IRD) ont évalué le risque de déclin face à l’aridification du climat de plus de 1 016 espèces d’arbres des milieux arides chauds à travers le monde. Dans ce but, leur étude confronte les données d’occurrences géoréférencées de ces arbres, issues des grandes bases de données en ligne, avec des données d’aridité de la période actuelle, et celles prédites pour le futur (2080-2100) par plusieurs modèles climatiques.
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Arbre phylogénétique des 1 016 espèces d’arbres des environnements arides chauds étudiées et leur risque de déclin face à l’aridification du climat (barres allant du violet pour un risque nul, au rouge pour un risque très fort). Les zones grisées indiquent les lignées évolutives les plus riches en espèces.
Crédit : M. Cartereau, A. Leriche, F. Médail & A. Baumel
Les résultats sont préoccupants : entre 44% et 88% (selon le modèle climatique considéré) des espèces étudiées devront faire face à un climat encore plus aride dans le futur, au-delà des conditions qu’elles connaissent actuellement, ce qui devrait provoquer un fort risque de déclin. Ces arbres très menacés se situent dans toutes les régions arides chaudes du monde et ils se positionnent dans toutes les grandes lignées évolutives des végétaux vasculaires. Certains arbres déjà menacés d’extinction sont endémiques de zones très restreintes, et montrent un héritage évolutif original, tel que le Cyprès de Duprez, seul conifère du désert du Sahara. Cependant, toutes les espèces ne seront pas affectées de manière égale : les espèces marginales dans les milieux arides, c’est-à-dire celles qui ne comportent qu’une petite proportion de leurs populations dans ces milieux, risquent d’être plus fortement affectées par l’aridification du climat que les espèces spécialisées à un climat très aride.
Bien que cette étude ne permette pas directement de prédire le risque d’extinction de chaque espèce étudiée, elle alerte sur la menace que représente l’aridification du climat y compris pour les arbres des milieux arides chauds à l’échelle planétaire. Si le fort risque de déclin prédit se traduisait par l’extinction de nombreuses populations ou d’espèces dans leur totalité, tout un ensemble de fonctions écologiques et de services écosystémiques portés par ces arbres serait fortement altéré.
Manuel Cartereau, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE – CNRS / AIX-MARSEILLE UNIVERSITE / AVIGNON UNIVERSITE / IRD)
Agathe Leriche, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE – CNRS / AIX-MARSEILLE UNIVERSITE / AVIGNON UNIVERSITE / IRD)
Frédéric Médail, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE – CNRS/Aix Marseille Univ/ Univ Avignon/IRD) / Tel. : 0623170784
Elodie Brisset, Communication – Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie (IMBE – CNRS / IRD / Avignon Université / Aix Marseille Université)