Des chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM, Aix-Marseille Université / CNRS) et de l’Institut Univers, Transport, Interfaces, Nanostructures, Atmosphère et environnement, Molécules (UTINAM, Université de Franche-Comté / CNRS) et, en collaboration avec des chercheurs du Southwest Research Institute (San Antonio, Etats-Unis), viennent de montrer que le méthane observé par la mission Cassini dans les geysers d’Encelade, un des principaux satellites de Saturne, pourrait provenir d’une source contemporaine localisée dans son océan caché. Ce résultat vient d’être publié dans la revue Geophysical Research Letters.

Les données de la mission NASA/ESA Cassini ont permis aux scientifiques de mieux comprendre les processus en œuvre à l’intérieur d’Encelade, une des lunes les plus intrigantes de Saturne. Pressenti comme étant un monde de glace à priori inactif, Encelade a créé la surprise en 2005 lorsque Cassini a montré, dans la région du pôle sud, la présence de geysers éjectant de la vapeur d’eau dans l’espace alimentant l’anneau E de Saturne en particules glacées. On pense désormais qu’Encelade abrite un océan d’eau liquide enfoui sous plusieurs dizaines de kilomètres de croûte de glace, et que les panaches proviennent de cet océan.

La sonde Cassini a effectué plusieurs survols à l’intérieur des panaches permettant, grâce à son spectromètre de masse, de déterminer la composition du mélange supposé provenir de l’océan. Des espèces volatiles telles que l’hydrogène, le dioxyde de carbone et le méthane, ont été détectées en plus de l’eau.

Une équipe de scientifiques Français et Américains a montré que dans les conditions de l’océan interne d’Encelade, des clathrates, une forme particulière de la glace d’eau contenant des gaz piégés dans des cages, pourraient se former et appauvrir l’océan en espèces volatiles.

Les résultats des simulations de l’équipe montrent qu’en particulier le méthane est très efficacement piégé dans les clathrates, et qu’il devient presque dix fois moins abondant dans l’océan que la valeur mesurée dans les geysers. Pour que Cassini puisse observer autant de méthane, celui-ci doit donc être ajouté dans l’océan par une source inconnue de manière encore plus rapide que sa séquestration ne le permet dans les clathrates.

Les implications sont particulièrement intéressantes étant donné que le méthane peut être produit par des réactions hydrothermales ou par des sources biogéniques. La possibilité d’une activité hydrothermale dans l’océan d’Encelade est notamment appuyée par la présence de nanoparticules de silicates dans les geysers détectées par Cassini. En outre, le fond de l’océan glacial de cette lune de Saturne pourrait aussi abriter des points chauds, avec des températures dépassant 100°C.

Une autre explication de la mesure de l’abondance du méthane par Cassini serait que les clathrates fassent partie du processus de formation des panaches : apportés par l’eau à des profondeurs plus faibles, ils ne peuvent plus exister en raison de la baisse de pression et se dissocient, libérant leur contenu et participant à la saturation de l’eau en gaz. De la même manière que le dioxyde de carbone fait sauter le bouchon d’une bouteille de Champagne, cette saturation en gaz ferait rejaillir l’eau en surface, qui continuerait son chemin vers l’espace jusqu’aux endroits où Cassini a réalisé ses prélèvements.

La mission Cassini, étendue jusqu’en 2017, continuera à effectuer des mesures de la composition des gaz présents dans les geysers d’Encelade. Ces mesures ultérieures permettront d’avoir une idée plus claire concernant les mécanismes de production de ces plumes et ainsi de mieux comprendre l’origine du méthane détecté.

Laboratoires impliqués :

LAM – Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (Aix-Marseille Université / CNRS) UTINAM – Univers, Transport, Interfaces, Nanostructures, Atmosphère et environnement, Molécules (Université de Franche-Comté / CNRS) Southwest Research Institute, San Antonio, Texas, USA University of Texas at San Antonio, USA

Auteur/autrice