Une équipe franco-turque, codirigée par le Centre de Recherche en Géosciences de l’Environnement (CNRS, Université d’Aix-Marseille Aix-en-Provence), le laboratoire Histoire naturelle de l’Homme Préhistorique (CNRS, MNHN) et l’Institut de paléontologie humaine (Paris) a pu dater à plus de 1 à 1,1 millions d’années les dépôts renfermant l’homme de Kocabas, le plus vieux fossile d’hominidé découvert en Turquie. Ce résultat précise l’histoire de la dispersion des hominidés. Une étude parue dans la revue Earth and Planetary Science Letters. |
La dispersion du genre Homo à partir de son berceau africain vers l’Eurasie, avec en particulier les relations entre Asie orientale (Indonésie, Chine) et Europe de l’Ouest, reste encore très mal connue du fait de la rareté des fossiles géographiquement intermédiaires. En particulier le nombre de vagues de colonisation et leur époque, par différentes espèces (ergaster, erectus, antecessor…) dont la distinction est sujette à controverse, est disputée. C’est pourquoi la datation du plus vieil hominidé de Turquie, retrouvé dans un travertin du bassin de Denizli (dans une formation voisine du fameux travertin de Pamukkale) était très attendue. Bien peu de reste d’hominidés sont connus en Turquie, principalement des Homo neanderthalensis dans la grotte de Karain.
Le crâne, récupéré par MC Alcicek de l’Université de Pamukkale, est morphologiquement proche des fossiles éthiopiens datés entre 1 et 1,6 Ma et pourrait donc correspondre au passage de la « première vague » d’Homo erectus en Europe, datée vers 1 à 1,3 Ma en Espagne, France et Italie. Par contre coté asiatique (Géorgie, Chine et Java) l’arrivée du genre Homo serait antérieure (autour de 1,6 à 1,8 Ma).
La datation directe des fragments de crâne découverts n’étant pas possible, ce sont les sédiments qui les contenaient qui ont été analysés par différentes méthodes 1 (nucléides cosmogéniques, magnétostratigraphie, paléontologie des mammifères). Les auteurs ont ainsi pu dater la fin du dépôt des travertins à plus de 1,1 Ma grâce à l’étude détaillée d’une coupe continue de plus de 120 m de haut affleurant dans des carrières de travertins.
Cette datation est donc cohérente avec l’hypothèse d’un passage de l’Homo erectus africain par l’Asie mineure dans sa conquête de l’Europe. Techniquement elle illustre une nouvelle fois, après les succès obtenus par le CEREGE au Tchad (datation de Toumai) et en Inde (datation des premières industries à bifaces), les potentialités majeures des méthodes utilisant les nucléides cosmogéniques (10Be atmosphérique et couple 26Al/10Be ), combinée à la magnétostratigraphie, pour dater les séries continentales à hominidés. Les techniques de datation précédemment développées étaient en effet limitées à moins de 1 Ma environ.
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