Les satellites altimétriques (Topex/Poseidon, Jason-1&2, Envisat) nous indiquent que depuis deux décennies, le niveau de la mer s’est élevé d’environ 3 mm/an en moyenne globale. Cependant, si on estime séparément la hausse de la 1ère et la 2ème de ces deux décennies, on obtient des valeurs assez contrastées, de l’ordre de 3.5 mm/an et 2.4 mm/an respectivement. Ce ralentissement de la hausse de la mer depuis le début des années 2000 a été mis en parallèle avec la ‘pause’ de l’évolution de la température moyenne de la Terre depuis 10-15 ans et a alimenté les débats sur un possible ralentissement du réchauffement climatique global.

Dans un article publié fin mars dans Nature Climate Change, une équipe regroupant des chercheurs du LEGOS (Observatoire Midi-Pyrénées), du CNRM (CNRS, Météo-France) et du MIO (Université de Aix-Marseille et Toulon) a montré que les contrastes entre les années 1990 et 2000 résultent essentiellement de la variabilité climatique interne et plus particulièrement de l’impact des évènements ENSO, El Niño et la Nina.

Durant El Nino, on observe un excès de précipitations sur l’océan Pacifique tropical et un déficit de pluie sur les continents des régions tropicales. Ceci crée une augmentation temporaire de la masse de l’océan et donc du niveau de la mer. Le phénomène inverse est observé durant La Nina.

Au cours des années 1990, plusieurs évènements El Nino ont eu lieu, dont l’intense El Nino de 1997-1998, alors que les 10 années qui ont suivi ont été marquées par une succession d’épisode La Nina, induisant des baisses temporaires de la mer. Ces anomalies positives et négatives du niveau moyen global de la mer ont un impact sur la tendance.

Courbes des variations du niveau de la mer et de ces contributions
Courbes des variations du niveau de la mer et de ces contributions une fois que les tendances sur 18 ans ont été supprimées. En noir, Les variations inter-annuelles du niveau de la mer et en bleu les variations du contenu en eau sur les continents estimées à partir du modèle ISBA/TRIP. Aux données de cette courbe bleue ont été ajoutées les variations inter-annuelle de la composante thermostérique (qui traduit l’effet sur le hausse du niveau de la mer du réchauffement océans déduits de mesures in situ) pour aboutir à la courbe rouge.
Crédit : LEGOS, CNRS, MIO

En corrigeant de façon quantitative la variabilité interannuelle liée à ENSO, l’équipe a montré que la hausse de la mer des deux décennies est alors identique, de 3.3 mm/an. Cette étude montre qu’une fois la variabilité climatique interne corrigée, on n’observe pas de ralentissement de la hausse de la mer au cours de la dernière décennie, donc des contributions climatiques (expansion thermique de l’océan, fonte des glaces). Ce résultat est cohérent avec des fortes pertes de masse des glaciers et calottes (notamment de la calotte groenlandaise au cours des dernières années) et suggère de plus une contribution non négligeable du réchauffement de l’océan profond à la hausse récente de la mer. Il semble confirmer enfin qu’il n’y a pas de ‘pause’ du réchauffement global, mais que la variabilité naturelle à court terme peut parfois masquer ses effets.

Auteur/autrice