Suite aux deux expéditions océanographiques menées en 2015 en Arctique dans le cadre du programme international GEOTRACES, des chercheurs de la Woods hole oceanographic institution (WHOI) et leurs collègues internationaux [1] ont mis en évidence que des quantités importantes de carbone et d’éléments traces en provenance des rivières et sédiments du plateau continental étaient apportées près du Pôle Nord par la dérive transpolaire, un important courant de surface. Associé au réchauffement climatique, cet apport de nutriments et contaminants pourrait modifier la productivité phytoplanctonique dans l’Arctique.
Les éléments traces, comme le fer, sont des nutriments essentiels à la vie océanique. Ils alimentent la croissance du phytoplancton, ces algues microscopiques qui constituent la base de la chaîne alimentaire marine. En général, plus de phytoplancton conduit à davantage de zooplancton (petits poissons et crustacés), qui peut ensuite être consommé par les prédateurs océaniques « supérieurs » comme les phoques et les baleines. Les contaminants, notamment le mercure, suivent le même chemin et des niveaux très élevés chez les animaux arctiques ont été retrouvés.
- Rencontre des brise-glaces FS Polarstern et USCGC Healy au Pôle Nord, le 7 septembre 2015.
- Crédit : Stefan Hendricks, AWI
En 2015, les océanographes effectuant des recherches dans l’océan Arctique dans le cadre du programme international GEOTRACES ont trouvé des concentrations de carbone et d’éléments traces beaucoup plus élevées dans les eaux de surface situées près du Pôle Nord que dans celles situées de chaque côté de la dérive transpolaire, un important courant de surface capable de transporter, à travers l’océan Arctique en passant par le Pôle Nord, les eaux provenant du plateau continental sibérien.
Les nombreux éléments traces qui pénètrent dans l’océan mondial en provenance des rivières et des sédiments du plateau continental sont en général rapidement éliminés de la colonne d’eau. En revanche, les chercheurs ont mis en évidence que, dans l’océan Arctique, les éléments traces étaient liés à l’abondante quantité de matière organique issue des rivières, ce qui leur permettait d’être transportés par la dérive transpolaire jusqu’à l’Arctique central, à plus de 1 000 kilomètres de leurs sources.
Du fait du réchauffement climatique, les chercheurs s’attendent à ce que le dégel des sols conduise à une augmentation du ruissellement et donc de l’apport d’éléments traces auparavant piégés dans le pergélisol, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la quantité de nutriments et contaminants atteignant le centre de l’océan Arctique. Or, à mesure que l’Arctique se réchauffe et que de grandes parties de l’océan se libèrent de la glace pendant de longues périodes, les algues marines deviennent plus productives. Un plus grand apport de nutriments pourrait donc alimenter encore davantage cette production d’algues.
Pour l’instant, si les chercheurs savent que la structure des écosystèmes marins est déterminée par la disponibilité des nutriments, ils ne peuvent dire exactement quels changements tout cela pourrait induire. Concernant le mercure, dont le cycle biogéochimique est étroitement lié à la photochimie et aux flux d’échanges importants à l’interface atmosphère – océan, de fortes modifications sont également attendues avec la disparition de la glace de mer en été.
Bien qu’une augmentation des nutriments puisse stimuler la productivité marine de l’Arctique, les chercheurs mettent en garde sur le fait que la perte continue de glace de mer aggrave le réchauffement climatique, ce qui aura un impact plus large sur les écosystèmes.
Voir en ligne : Le communiqué sur le site de l’INSU
Lars-Éric Heimbürger-Boavida – MIO/OSU Institut Pythéas – Tel : 04 86 09 06 14
Hélène Planquette – LEMAR/IUEM – Tel : 02 98 49 86 98