Pour la première fois, une équipe internationale 1 de chercheurs de l’Institut méditerranéen d’océanographie (MIO/PYTHÉAS, CNRS / Université de Toulon / IRD / AMU) et du Laboratoire de chimie de l’environnement (CNRS / AMU) ont réalisé une analyse comparative de l’occurrence atmosphérique des polluants organiques persistants au niveau des marges africaines et européennes de la Méditerranée occidentale. Cette étude met en évidence une pollution différenciée entre Bizerte (Tunisie) et Marseille (France), dépendant de la nature des polluants.

Il est admis que la mer Méditerranée est largement impactée par les polluants organiques persistants (POPs), mais leurs effets sur les écosystèmes et le cycle du carbone sont encore peu étudiés. La présence atmosphérique de POPs sur la côte nord-ouest de la Méditerranée africaine est quant à elle très mal documentée. Par ailleurs, des observations comparatives sur les marges africaine et européenne de la mer Méditerranée n’avaient encore jamais été réalisées.

Des échantillons d’aérosols atmosphériques, collectés simultanément en 2015 – 2016 dans deux villes côtières de référence, en Afrique (Bizerte, Tunisie) et en Europe (Marseille, France), ont été analysés pour 62 contaminants organiques toxiques appartenant aux trois plus importantes familles de POPs :

  • les polychloro dibenzo-p-dioxines et les dibenzofuranes (PCDD/Fs), connus sous le nom générique de “dioxines” et produits dans les processus de combustion ;
  • les polychlorobiphényles (PCBs), considérés comme des contaminants industriels classiques ;
  • les polybromodiphényléthers (PBDE) qui, contrairement aux PCDD/Fs et aux PCBs, sont considérés comme une première génération de “contaminants émergents” (seulement récemment interdits) et plus associés à la période actuelle.
Représentation des apports atmosphériques
Représentation des apports atmosphériques des PCDD/Fs, des PCBs et des PBDEs à Bizerte (en jaune) et Marseille (en bleu) et du transfert éventuel de l’Europe vers l’Afrique des stocks atmosphériques de PBDEs en mer Méditerranée côtière du Nord-Ouest (une des hypothèses proposées).
Crédit : MIO

L’étude révèle des valeurs médianes 2 de concentrations et d’apports atmosphériques des dioxines et des PCBs plus élevées du côté africain (exposition potentielle plus élevée), tandis que les niveaux médians de concentrations et d’apports des PBDE “émergents” sont plus élevés du côté européen. Par ailleurs, bien que des sources locales sur le bord nord-ouest méditerranéen de l’Afrique ne soient pas écartées, les auteurs avancent comme hypothèse un éventuel transfert de l’Europe vers l’Afrique des stocks atmosphériques de PBDE (ceci reste à confirmer avec des observations supplémentaires).

Ce travail répond à un objectif majeur du programme MERMEX-MERITE/MISTRALS d’études sur l’intercomparaison des produits chimiques toxiques sur les côtes africaines et européennes de l’ouest de la Méditerranée. Réalisé sous la responsabilité du MIO et dans le cadre global du Labex OT-MED (MEDPOP), ce travail est le fruit d’une collaboration avec plusieurs laboratoires espagnols et tunisiens dans le cadre du LMI-Cosysmed de l’IRD. D’autres travaux sur l’impact de ces contaminants sur les écosystèmes marins sont en cours au MIO.

1. Les institutions étrangères impliquées sont l’université de Carthage (Tunisie) et l’Institute of organic chemistry - CSIC (Espagne).
2. Valeur centrale de la série de données