Océan
Bonne année 2025 !
Le changement climatique : une menace avérée pour le plancton calcifiant
Le changement climatique exerce une pression croissante sur les écosystèmes marins, affectant notamment les foraminifères planctoniques, des micro-organismes essentiels au cycle du carbone océanique. Une étude récente, menée par le centre de recherche CEREGE à Aix-en-Provence (Université Aix-Marseille, CNRS, IRD & INRAE), la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) au sein du Centre de Synthèse et d’Analyse sur la Biodiversité (CESAB) à Montpellier, ainsi que l’Institut Max Planck de Chimie à Mayence (Allemagne), révèle que les populations de foraminifères diminuent à un rythme sans précédent en raison du réchauffement et de l’acidification des océans. Les niveaux élevés de CO₂, responsables de l’acidification des eaux, compliquent la formation des coquilles de ces organismes unicellulaires, menaçant leur survie. Ces sentinelles climatiques migrent vers des eaux plus fraîches pour tenter de s’adapter, mais les changements environnementaux se produisent plus rapidement qu’elles ne peuvent s’y ajuster.
L’équipe internationale, composée de scientifiques français, allemands, néerlandais, japonais et espagnols, a analysé près de 200 000 échantillons de foraminifères collectés depuis 1910 afin d’étudier leur réponse au changement climatique. L’étude, récemment publiée dans la revue Nature, montre que ces espèces migrent vers les pôles, en quête d’eaux moins chaudes, à un rythme pouvant atteindre 10 kilomètres par an. En examinant des profils verticaux, les chercheurs ont également constaté que certaines espèces se déplacent plus en profondeur dans l’océan pour échapper au réchauffement des températures de surface. Malgré ces déplacements, les populations de foraminifères ont diminué de 25 % au cours des 80 dernières années. Les espèces tropicales sont les plus touchées, car le réchauffement intense dans ces régions perturbe probablement leurs cycles reproductifs, entraînant un déclin majeur.
Les chercheurs estiment que d’ici la fin du XXIe siècle, de nombreuses espèces de foraminifères planctoniques pourraient être confrontées à des conditions environnementales sans précédent, dépassant potentiellement leurs seuils de survie. Cela pourrait conduire à de nouvelles extinctions dans les régions tropicales, avec des répercussions conséquentes sur les écosystèmes marins et le stockage du carbone. L’augmentation des niveaux de CO₂ dans l’océan, limite la formation de carbonate de calcium, un composant essentiel pour la construction des coquilles des foraminifères. La production réduite de coquilles de foraminifères planctoniques pourrait ainsi réduire la quantité de carbone piégée dans les fonds marins. Néanmoins, certaines espèces pourraient migrer vers les régions polaires à la recherche d’eaux plus fraîches, favorables à leur développement.
Des questions clés subsistent quant à la manière dont ces espèces s’adapteront à une acidification extrême et à des environnements en rapide évolution. Cela met en lumière la nécessité de recherches supplémentaires sur leurs stratégies d’adaptation et les efforts de conservation pour protéger les écosystèmes marins face au changement climatique en cours.
Cette recherche a été financée par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) au sein du Centre de Synthèse et d’Analyse sur la Biodiversité (CESAB) et cofinancée par l’Institut Max Planck de Chimie (MPIC) à Mayence, en Allemagne, le programme CNRS-INSU LEFE et l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université – A*MIDEX.
Année de la mer, toutes nos ressources
Afin d’informer la société et de partager avec les publics les derniers développements de ces recherches, nous réalisons régulièrement, en parallèle de nos communiqués de presse et de nos événements, des outils de partages de connaissances. Dans le cadre de l’année de la mer nous les avons regroupées pour vous sur cette page.
Bandes-dessinées et petite histoire
Olivier Sulpis, parmi les 7 lauréats de la bourse européenne Starting Grant 2024 en Provence
Liste des 7 lauréats Starting hébergés par le CNRS en Provence :
- Hugo Bisio Sabaris, chargé de recherche au laboratoire Information génomique et structurale (IGS)1
- Fanny Cazettes, chargée de recherche à l’Institut de neurosciences de la Timone (INT)1
- Isabelle Dautriche, chargée de recherche au Centre de recherche en psychologie et neurosciences (CRPN)1
- Maud Gratuze, chargée de recherche à l’Institut de neurophysiopathologie (INP)1
- Baptiste Libé-Philippot, chargé de recherche à l’Institut de biologie du développement de Marseille (IBDM)1
- Ashleigh Shannon, chargée de recherche au laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (AFMB)1
- Olivier Sulpis, chargé de recherche au Centre de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE)2
Projet Deep-C : Deep-sea carbonates under pressure: mechanisms of dissolution and climate feedback
Portrait
Olivier Sulpis a obtenu son doctorat en géochimie aquatique à l’Université McGill, à Montréal. Il a ensuite travaillé aux Pays-Bas, à l’Université d’Utrecht en tant qu’associé de recherche. Il est spécialiste de la dissolution des sédiments marins à l’Anthropocène. Cette dissolution sera le principal puits du CO2 d’origine humaine d’ici 100 à 1000 ans. Ses travaux ont permis de comprendre et anticiper le lien entre sédiments et CO2 et ont accompagné l’explosion de l’intérêt pour les méthodes de captation du CO2 basées sur l’accélération des puits de carbone naturels. En parallèle de ses recherches fondamentales, Olivier Sulpis a travaillé avec plusieurs organisations internationales implémentant des méthodes d’alcalinisation de l’océan dans le but d’en augmenter sa capacité à capter du CO2, ou encore des nouvelles sources d’énergie renouvelable en mer. Olivier Sulpis enseigne à Aix-Marseille Université, afin de donner aux jeunes générations les outils nécessaires pour accélérer la transition énergétique et environnementale. En parallèle du projet Deep-C, Olivier Sulpis est coresponsable d’un groupe de travail auprès du Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité portant sur les gastéropodes marins, ainsi que d’un groupe de travail auprès du Conseil maritime européen portant sur l’évaluation des techniques de captation du CO2 par l’océan.
Projet Deep-C (Horizon Europe – ERC StG 101162777)
Deep-sea carbonates under pressure: mechanisms of dissolution and climate feedback
Alors que la crise du changement climatique s’amplifie, il est impératif de comprendre et d’atténuer les flux de dioxyde de carbone (CO2). Un aspect moins connu et pourtant important de cette crise réside dans le rôle des vastes étendues de sédiments marins qui recouvrent les deux tiers de la surface de la Terre. Un élément clé de ces sédiments est le carbonate de calcium (CaCO3), une famille de minéraux qui constitue les coquilles et les squelettes des organismes marins. Les émissions de CO2 entraînent une acidification des océans, déclenchant la dissolution du CaCO3 qui, à son tour, neutralise le CO2, agissant comme un puits de CO2 crucial sur des échelles de temps millénaires. Cependant, les mécanismes et le rythme de cette dissolution restent inconnus en raison de la complexité liée aux hautes pressions de l’océan profond et aux communautés bactériennes méconnues qui interviennent dans le processus de dissolution. Le projet Deep-C vise à comprendre la dissolution du CaCO3 en eaux profondes, ouvrant ainsi la voie à une compréhension plus approfondie et à une atténuation potentielle des impacts du changement climatique. En se concentrant sur les domaines abyssal et hadal (domaine des fosses océaniques), cette recherche innovante vise à dévoiler la nature et le taux de dissolution du CaCO3 à l’aide de réacteurs expérimentaux à haute pression. Ces réacteurs, qui simulent la pression et la température des environnements en eaux profondes, constituent une alternative fiable aux études sur le terrain. Grâce à l’intégration de capteurs de pointe et à l’utilisation de techniques avancées d’imagerie du CaCO3, nous générerons des données précises et continues sur les processus biogéochimiques en cours. En hébergeant des cultures bactériennes dans les réacteurs, à côté de grains de CaCO3 naturels, ce projet permettra d’approfondir les mécanismes de dissolution. Les résultats obtenus devraient permettre d’affiner un modèle biogéochimique global, et ainsi favoriser une meilleure compréhension du rôle de l’océan dans la séquestration du carbone et faire avancer les efforts mondiaux en vue d’une atténuation efficace du changement climatique.

Préservation du CaCO3 dans les sédiments marins et position des horizons de saturation en aragonite et en calcite en fonction de la profondeur de l’eau. Les formes blanches représentent des grains de CaCO3.
Le recul actuel des glaciers tropicaux andins dépasse celui enregistré pendant les périodes chaudes de ces 11 000 dernières années
Les scientifiques ont analysé l’évolution plurimillénaire de glaciers tropicaux andins situés en Colombie, au Pérou et en Bolivie au cours de l’Holocène. La particularité de la période de l’Holocène est qu’elle est caractérisée par une longue phase chaude entre les 10 000 et 4 000 dernières années, appelée dans l’hémisphère nord le Holocene Thermal Maximum (HTM). Les chercheurs ont découvert que la taille actuelle des glaciers tropicaux andins est plus petite que celle qu’ils avaient pendant cette longue phase chaude de l’Holocène.
Pour documenter l’évolution des glaciers sur le temps long les chercheurs se sont concentrés sur le socle rocheux récemment déglacé par le recul des glaciers. Ils ont ensuite mesuré la concentration en isotopes cosmogéniques, en particulier le béryllium-10 et le carbone-14 in situ, contenus dans les échantillons de roche prélevés à proximité immédiate du front actuel des glaciers. En effet, ces deux isotopes, issus des réactions nucléaires provoquées par l’impact des particules du rayonnement cosmique sur les minéraux des roches, s’accumule une fois que le glacier se retire. Cela déclenche ainsi un « chronomètre géologique ». La glace, quant à elle, joue un rôle de bouclier et protège la roche de ce bombardement cosmique. En somme, la concentration en isotopes cosmogéniques dans la roche dépend du temps d’exposition au rayonnement cosmique et de l’érosion glaciaire qui décape les isotopes cosmogéniques accumulés en surface.

Dans les Alpes et dans d’autres régions du monde des analyses similaires réalisées par le passé ont montré des valeurs isotopiques fortes mesurées dans les roches. Ces taux élevés sont dus au fait qu’entre ~10000 et 4000 ans les glaciers alpins et leurs cousins situés dans l’hémisphère nord ont fortement reculé. Leur front était positionné à des altitudes légèrement supérieures à ce qui est observé actuellement. La roche a donc été bombardée pendant environ 6000 ans par le rayonnement cosmique permettent l’accumulation de 10Be et 14C dans celle-ci. Au cours de ces 4000 dernières années les glaciers ont connu des phases de crue arrêtant la production d’isotopes dans le socle rocheux. En utilisant un modèle d’écoulement glaciaire combiné à un modèle d’érosion et en comparant les valeurs isotopiques obtenues dans les roches andines avec celles déjà connues provenant d’échantillons prélevés dans les Alpes ou dans d’autres régions de l’hémisphère nord les chercheurs ont mis en évidence un taux isotopique extrêmement faible, quasi nul, accumulé dans les roches andines. Ce taux particulièrement faible s’explique par le fait que le front des glaciers tropicaux andins n’a jamais été situé à des altitudes aussi hautes au cours de ces 11700 dernières années. Autrement dit les glaciers tropicaux andins n’ont jamais été aussi petits qu’aujourd’hui.
