Enjeu majeur de préservation de la biodiversité la mer Méditerranée compte plus d’une centaine d’Aires marines protégées (AMP). Afin d’évaluer l’efficacité de ce réseau d’AMP, des chercheurs de l’IRD, du CNRS, de l’Université Montpellier 2, d’Aix-Marseille Université (AMU), de Mercator Océan et de l’Université du Québ ec ont pour la première fois quantifié un élément déterminant : le degré de connectivité entre ces aires. A partir de modèles biophysiques de dispersion larvaire et en étudiant le cas du mérou brun (Epinephelus marginatus), espèce emblématique locale, ils ont démontré que le réseau d’AMP est faible ment connecté, menaçant potentiellement la préservation d’espèces présentant des caractéristiques biologiques similaires. Les résultats de cette étude, qui s’inscrivent dans le cadre du programme « modélisation et scénarios de la biodiversité » animé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), sont publiés dans la revue Plos One le 8 juillet 2013.
Océan
L’impact des tempêtes sur le phytoplancton
Des recherches récentes ont mis en évidence l’influence d’événements météorologiques extrêmes sur les microorganismes marins. L’impact de ces évènements sur la physique et la biogéochimie marine est difficile à évaluer en raison de la complexité de collecter des données a haute fréquence in situ.
En mai 2019, une intense tempête s’est produite en mer Ligure (Méditerranée nord-ouest) et a été perçu lors de la campagne FUMSECK [1]. Des mesures in situ multiplateformes [2] , ainsi que des données satellitaires et un modèle atmosphérique 3D ont été utilisés pour examiner la couche de surface impactée. La couche de surface a été marquée par une baisse de la température de l’eau (moins 1°C), une multiplication par 2 de la chlorophylle-a de surface, et par 7 de la concentration en nitrates.
Les résultats de l’équipe scientifique impliquant des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), montrent que cette tempête a entraîné un approfondissement de la couche de mélange c’est-à-dire la couche de surface homogène, de 15 à 50 m et une dilution du maximum profond de chlorophylle. La biomasse de surface de la plupart des groupes phytoplanctoniques a été multipliée par 2. À l’inverse, le rapport carbone/chlorophylle de la plupart des groupes phytoplanctoniques a été divisé par 2, mettant en évidence des changements dans la composition cellulaire du phytoplancton.
Ces résultats suggèrent que le rôle des tempêtes sur le phytoplancton en mer Méditerranée peut être sous-estimé et soulignent le besoin de mesures à haute résolution couplant physique et biologie lors de ces événements.
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Illustration des eaux nouvellement mélangées par la tempête (correspondant au fond cyan) et de leur environnement direct (correspondant au fond jaune), en termes de température de surface, de salinité et de biomasse par groupe de phytoplancton. Le panneau (a) présente la variation de la salinité de surface (points bleus) et de la température de surface (points orange). Le panneau (b) montre la variation de la biomasse en surface pour les groupes planctoniques Redpicoeuk (ligne orange), Orgpicopro (ligne rouge) et Orgnano (ligne verte). Le panneau (c) présente la variation de la biomasse en surface pour les groupes phytoplanctoniques Rednano (ligne violette) et Redmicro (ligne noire). Les couleurs des étiquettes de l’axe vertical indiquent la courbe associée. De même, les étiquettes et les titres écrits en deux couleurs différentes indiquent que deux courbes sont associées au même axe.
Crédit : BioSWOT_Adac (CNES) et FUMSECK-vv (INSU LEFE)
A la recherche des microalgues fertilisantes
En plus de la physique, la campagne BIFURCATION est aussi l’occasion d’étudier les communautés de microalgues de la mer de Corail. Cette région est particulièrement riche en microalgues fixatrices d’azote atmosphérique, et elles permettent donc d’enrichir (à la manière d’un engrais naturel) le milieu afin que les autres microalgues (n’ayant pas cette capacité), puissent s’y développer.
La suite avec Sophie Bonnet et Anne Desnues…
Un nouveau regard sur les changements climatiques rapides et la bascule bipolaire
Une nouvelle étude fournit de nouveaux enregistrements de température océanique à haute résolution pour le sud de la marge ibérique, et introduit un nouveau mode d’analyse ainsi qu’un nouvel indice de bascule bipolaire pour distinguer les types de refroidissements. Elle démontre une relation beaucoup plus complexe qu’une simple oscillation entre deux états climatiques stables. La nouvelle analyse illustre clairement l’influence des températures de l’Atlantique Nord dans la réponse de l’océan Austral et de l’Antarctique.
BathyBot : réveil d’un robot dans les profondeurs de la Méditerranée
- BathyBot est le premier robot profond en Europe installé de façon permanente, à plus de 2400 mètres de profondeur.
- Il vient de débuter sa mission en mer Méditerranée et de dévoiler les premières images de son environnement.
- Accompagné d’un récif artificiel et d’une batterie d’instruments, BathyBot permettra d’étudier la biodiversité, la bioluminescence et les processus biogéochimiques des fonds marins.
Il n’explorera pas une autre planète, mais un environnement presque aussi méconnu. Depuis le 19 avril, BathyBot observe le plancher océanique de la mer Méditerranée, à plus de 2400 mètres de profondeur. Premier robot scientifique au monde installé en permanence à une telle profondeur, il permettra, avec d’autres instruments, d’étudier ce milieu et ses caractéristiques en temps réel grâce à sa connexion haut-débit, pendant au moins cinq ans.
Imaginé scientifiquement par les équipes de l’Institut méditerranéen d’océanologie (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Université de Toulon) et techniquement par la Division technique de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS, BathyBot embarque des capteurs pour mesurer de nombreux paramètres : température, salinité, vitesse et direction du courant, flux particulaire et concentration en oxygène. Il analysera la bioluminescence environnante à l’aide d’une caméra hyper-sensible.
BathyBot permettra d’étudier la biodiversité des grands fonds sur son site d’opération, l’impact des mouvements d’eau sur ces écosystèmes, le cycle du carbone et son évolution dans les profondeurs face aux perturbations atmosphériques, mais aussi l’acidification, avec l’évolution de la température et de l’oxygénation, des eaux profondes méditerranéennes. Téléopéré depuis la terre ferme, il sera les yeux des scientifiques dans ce monde inconnu.
Ils espèrent ainsi pouvoir observer la colonisation du récif artificiel BathyReef placé aux côtés du robot. Celui-ci a été réalisé en béton, un matériau inerte et minéral, et à partir d’une structure complexe, bio-inspirée, offrant une large surface colonisable. Le laboratoire de recherche de l’agence d’architecture Rougerie+Tangram a conçu BathyReef en optimisant l’usage de ressources, avec notamment une structure ouverte. Sa réalisation en impression 3D béton a ensuite été assurée par le groupe Vicat. Le duo formé par BathyReef et BathyBot sera le premier à proposer le suivi de la colonisation d’un récif artificiel immergé volontairement à de telles profondeurs.
Ils avaient été mis en place en février 2022, au cours d’une mission en mer menée par le navire le Pourquoi pas ? et le sous-marin Nautile de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer. Un sismomètre et une sonde de radioactivité, ainsi qu’une biocaméra pour observer des événements passagers et tester des scénarios de stimulation lumineuse des espèces profondes ont également été installés. Ces instruments et BathyBot ont tous été connectés à la Boîte de jonction scientifique mise au point par l’Ifremer. Ce réseau intelligent fait office à la fois de « multiprise » pour les alimenter en énergie et de « box internet haut-débit » pour les contrôler et envoyer les données acquises en temps réel vers le continent.
Malheureusement, BathyBot étant resté trop longtemps sans alimentation, le système permettant ses déplacements sur le fond n’est pour l’instant pas opérationnel. Cette déception a vite été dépassée par les images exceptionnelles déjà acquises, après seulement quelques jours, au travers des deux caméras du robot : des poissons très nombreux, et des organismes transparents plus discrets s’y invitent chaque jour. En outre, une future mission permettra peut-être de résoudre cette difficulté technique
Ces nouveaux équipements dédiés aux sciences environnementales enrichissent le Laboratoire sous-marin Provence Méditerranée (LSPM), un observatoire permanent situé à plus de 2400 mètres de profondeur au large de Toulon dans le golfe du Lion. Grâce à sa connexion au câble électro‐optique de 45 km qui le relie à La Seyne-sur-Mer et à la Boîte de jonction scientifique, les équipements du LSPM peuvent être contrôlés, et les données récupérées, en temps réel.
La composante océanographique du LSPM appartient au réseau d’observatoires sous-marins de l’infrastructure de recherche européenne EMSO (pour European Multidisciplinary Subsea Observatory). Répartis dans les mers du pourtour européen, les différents sites du réseau permettent l’étude de l’impact du réchauffement climatique sur les océans entourant l’Europe, mais aussi des écosystèmes marins profonds dans une optique de recherche fondamentale et de gestion durable.
Découvrez les premières images capturées par Bathybot à 2500 m de profondeur.

© Cyril Frésillon / MIO / CNRS Photothèque
A gauche, BathyBot et BathyReef dans le bassin d’essai du Centre Ifremer Méditerranée.
© Dorian Guillemain
Retrouvez le reportage photo de CNRS Images sur la mission de mise à l’eau à bord du Pourquoi pas ?.
Jellywatch PACA
Le projet Jellywatch vise à comprendre et prévoir les apparitions massives (blooms) de la méduse Pelagia noctiluca sur les côtes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La stratégie de Jellywatch consiste à rassembler des chercheurs issus d’organismes de recherche (LOV, MIO-Toulon et MIO-Marseille) et de sociétés privées (ACRI-ST) alliant différentes expertises. Trois approches complémentaires sont en synergie :
- l’observation des abondances actuelles et passées, au large et à la côte. Le site permet à chacun de participer au suivi de la présence des Pelagia noctiluca,
- l’expérimentation pour comprendre la nutrition et le développement de l’organisme,
- la modélisation pour simuler leur transport par les courants océaniques et prévoir leur échouage sur les côtes.
Ce projet est financé par la région PACA et le Programme FEDER. Il a été labellisé par le pôle mer PACA.