Univers
Bonne année 2025 !
Prix de l’Académie des Sciences, des Lettres et des Arts pour Alain Origné
Alain Origné, ancien ingénieur optique au LAS puis au LAM, s’est vu discerner le prix Charles Bortoli 2024 de l’Académie des Sciences, des Lettres et des Arts de Marseille pour son livre Le Canigó, une île éphémère en Provence (Editions Trabucaire, 2023). Ce livre raconte, en provençal et en français, l’histoire de la découverte de ce phénomène atmosphérique
permettant l’observation du Canigou depuis les collines provençales. Il donne les explications théoriques du phénomène, joliment illustrés, mais, surtout, le livre est truffé des magnifiques photos prises par Alain lui-même, témoins de toute la rigueur et la compétence en optique instrumental qui le caractérisa durant toute sa carrière parmi nous jusqu’à son départ à la
retraite en 2016. Après la participation aux manips mythiques comme Hipparcos, Hubble et ISO, il a notamment mené des activités d’assemblage, intégration et test pour Rosetta, Herschel, SPHERE et Euclid.
Quand la nébuleuse protosolaire forgeait les briques de la vie
DESI dévoile un nouvel éclairage sur la gravité et l’expansion de l’Univers
La gravité a façonné notre cosmos et sous l’effet de sa force attractive, de minuscules différences de densité dans la distribution de matière dans l’Univers primitif ont évolué pour former les galaxies et les grandes structures cosmiques que nous observons aujourd’hui. Une nouvelle étude utilisant les données du “Dark Energy Spectroscopic Instrument” (DESI, l’instrument spectroscopique de l’énergie noire) a retracé la manière dont ces structures se sont développées au cours des 11 derniers milliards d’années, fournissant ainsi le test le plus précis à ce jour de la gravité à très grande échelle.
Cette nouvelle étude de la collaboration est présentée dans plusieurs articles publiés aujourd’hui sur le dépôt en ligne arXiv et présentés ici. Elle vise à tester la validité de la théorie de la gravité d’Einstein, la relativité générale, aux échelles cosmologiques dont des modifications ont été proposées comme alternatives à l’énergie noire pour expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers. La collaboration international DESI qui réunit plus de 900 chercheurs et chercheuses issus de plus de 70 institutions à travers le monde est gérée par le Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab)
DESI cartographie des millions de galaxies
19.11.2024
Dans cette vidéo à 360 degrés, embarquez pour un vol interactif à travers des millions de galaxies, cartographiées à l’aide des observations de DESI. Credit: Fiske Planetarium, CU Boulder and DESI collaboration
Ainsi, le mécanisme à l’origine de cette expansion accélérée est étudié avec deux approches. La première consiste à supposer l’existence d’un nouveau constituant de l’Univers, l’énergie noire, dont on cherche à déterminer les propriétés, en particulier si celles-ci évoluent avec le temps ou sont constantes. La deuxième approche propose des modèles de gravité modifiée par rapport à la relativité générale pour expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers sans énergie noire.
Dans cette nouvelle étude co-dirigée par Pauline Zarrouk, cosmologiste CNRS au Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Energies (LPNHE), les chercheurs de la collaboration DESI ont observé que la gravité se comporte en adéquation avec la théorie de la relativité générale d’Einstein. Ce résultat valide donc le modèle de référence de l’Univers et limite les extensions possibles à la relativité générale. « La relativité générale a été abondamment et précisément testée à l’échelle des systèmes stellaires, mais il fallait également vérifier que notre hypothèse fonctionne à des échelles beaucoup plus grandes », explique Pauline Zarrouk. « La mesure statistique des vitesses des galaxies au cours de l’histoire de l’Univers nous permet de tester directement la théorie de la gravité. C’est la première fois que nous menons cette nouvelle analyse complexe avec DESI pour retracer l’histoire de la croissance des structures cosmiques. Nos résultats montrent que, jusqu’à présent, nous sommes en accord avec ce que prédit la relativité générale aux échelles cosmologiques.»
Animation : comment la gravité affecte la position des galaxies observées
19.11.2024
Cette simulation montre comment la gravité affecte la position des galaxies observées, modifiant ainsi la façon dont la matière s’agglomère pour former les structures cosmiques. Comme différents modèles de gravité prédisent différentes formations des structures, les scientifiques de DESI peuvent comparer les observations avec les prédictions et ainsi tester la gravité aux échelles cosmiques. Credit: Claire Lamman et Michael Rashkovetskyi / DESI collaboration
Les résultats publiés aujourd’hui constituent une analyse approfondie des données de la première année de DESI, qui ont permis d’établir en avril la plus grande carte en 3D de l’Univers à ce jour et de révéler des indices d’une évolution possible de l’énergie noire au fil du temps. Les résultats d’avril portaient sur une caractéristique particulière dans la distribution spatiale des galaxies, connue sous le nom d’oscillations acoustiques de baryons (BAO). La nouvelle analyse élargit le champ d’application afin d’extraire davantage d’informations des données, en mesurant la manière dont les galaxies et la matière sont réparties à différentes échelles dans l’espace. L’étude a nécessité des mois de travail supplémentaire et de vérifications croisées. Comme l’étude précédente, elle a utilisé une technique permettant de cacher le résultat aux scientifiques jusqu’à la fin, pour écarter tout biais inconscient dans les analyses.
L’analyse complexe a porté sur près de 6 millions de galaxies et de quasars situés entre 1 et 11 milliards d’années-lumière de la Terre. Avec seulement un an de données, DESI a réalisé la mesure globale la plus précise de la croissance des structures cosmiques, surpassant les efforts précédents qui avaient pris des décennies. « Grâce à cette manne de données et l’amélioration de nos analyses, les résultats obtenus avec cette première année de données sont spectaculaires », a déclaré Arnaud de Mattia, cosmologiste au CEA Paris-Saclay et co-responsable du groupe DESI chargé d’interpréter les données cosmologiques. « Nous testons avec une précision inégalée l’effet de l’énergie noire et la relativité générale aux échelles cosmiques. »
L’étude a également fourni de nouvelles limites supérieures à la masse des neutrinos, les seules particules fondamentales dont la masse n’a pas encore été mesurée avec précision. Les expériences de physique des particules sur les neutrinos montrent que la somme des masses des trois types de neutrinos doit être comprise entre 0,06 eV/c2 et 1,35 eV/c2 (environ un million de fois plus léger qu’un électron). Dans le cadre du modèle cosmologique standard où l’énergie noire est décrite par une constante cosmologique, les résultats de DESI indiquent que la somme devrait être inférieure à 0,07 eV/c2 (à 95% de probabilité), laissant ainsi une fenêtre étroite pour les masses des neutrinos. “Cependant, les résultats de DESI peuvent être également interprétés dans un modèle cosmologique où l’énergie noire peut varier au cours du temps comme tendent à l’indiquer les observations récentes.” précise Etienne Burtin, physicien au CEA Paris-Saclay et qui a co-dirigé le groupe d’analyse des données de DESI. “Dans ce cadre, la limite supérieure obtenue, 0,19 eV/c2, est certes plus élevée mais elle dépend beaucoup moins du modèle cosmologique utilisé et reste plus contraignante que les expériences de physique des particules.”
DESI est un instrument de pointe qui peut capter la lumière de 5 000 galaxies simultanément. Il a été construit et est exploité grâce au financement de l’Office of Science du Département de l’Energie Américain (DOE). DESI est installé au sommet du télescope de 4 mètres Nicholas U. Mayall de la National Science Foundation (NSF) à l’observatoire national de Kitt Peak. L’expérience en est à sa quatrième année sur cinq de sondage du ciel et prévoit de collecter environ 40 millions de galaxies et de quasars d’ici la fin du projet.
La collaboration DESI continue ses observations et analyse actuellement les trois premières années d’observations. Elle prévoit de présenter des mesures encore plus précises de l’histoire de l’expansion de l’Univers et leurs implications sur la nature de l’énergie noire au printemps 2025.
Les instituts français contribuant au programme DESI sont l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu, CEA-Paris Saclay), le Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (LPNHE, CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Cité), le Centre de physique des particules de Marseille (CPPM, CNRS / Aix-Marseille Université) et le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM, CNRS / Aix-Marseille Université / CNES).
DESI est soutenu par l’Office of Sciences du Département de l’Energie Américain (DOE) et par le National Energy Research Scientific Computing Center (NERSC), un centre de calcul du DOE Office of Science. DESI bénéficie également du soutien de la National Science Foundation des États-Unis, du Science and Technologies Facilities Council du Royaume-Uni, de la Gordon and Betty Moore Foundation, de la Heising-Simons Foundation, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de France, du Conseil national de la science et de la technologie du Mexique, du ministère de l’économie de l’Espagne, ainsi que des institutions membres de DESI.
La collaboration DESI est honorée d’être autorisée à mener des recherches scientifiques sur l’oligam Du’ag (Kitt Peak), une montagne qui revêt une importance particulière pour la nation Tohono O’odham.
L’origine de la plupart des météorites enfin révélée
Une équipe de recherche internationale a démontré que 70% de l’ensemble des chutes de météorites répertoriées sont issues de trois jeunes familles d’astéroïdes (Karin, Koronis et Massalia), nées de collisions qui se sont produites il y a 5.8, 7.5 et environ 40 millions d’années dans la ceinture principale d’astéroïdes. Plus particulièrement, la seule famille de Massalia a été identifiée comme la source de 37% des météorites répertoriées.
Alors que plus de 70 000 météorites sont répertoriées, seulement 6% d’entre elles pouvaient jusqu’alors être clairement identifiées grâce à leur composition (achondrites) comme provenant de la Lune, de Mars ou de Vesta, l’un des plus gros astéroïdes de la ceinture principale. L’origine des 94% autres météorites, majoritairement des chondrites ordinaires2 , restait jusqu’alors non-identifiée.
Pourquoi ces trois jeunes familles sont-elles les sources d’autant de météorites ?
Cela s’explique par le cycle de vie des familles d’astéroïdes. En effet, les jeunes familles se caractérisent par une abondance de petits fragments résiduels des collisions. Cette surabondance favorise les risques de collisions entre les fragments et, couplée à leur grande mobilité, leurs sorties de la ceinture, potentiellement en direction de la Terre. Les familles d’astéroïdes issues de collisions plus anciennes sont au contraire des sources de météorites « taries ». Les petits fragments qui les composaient auparavant en abondance se sont naturellement érodés jusqu’à disparaître après quelques dizaines de millions d’années du fait des collisions successives et de leur évolution dynamique. Ainsi, Karin, Koronis et Massalia sont inévitablement vouées à cohabiter avec de nouvelles sources de météorites issue de collisions plus récentes et, à terme, à leur céder la place.
Une méthode pour retracer l’arbre généalogique des météorites et astéroïdes
Cette découverte historique a été permise grâce à un relevé télescopique de la composition de toutes les grandes familles d’astéroïdes dans la ceinture principale, combinée à des simulations numériques de pointe de l’évolution collisionnelle et dynamique de ces grandes familles. Cette approche a été étendue à l’ensemble des familles de météorites, révélant également les sources principales des chondrites carbonées et de certaines achondrites qui viennent s’ajouter à celles provenant de la Lune, de Mars ou de Vesta.
Dorénavant, avec ces travaux, c’est l’origine de plus de 90% des météorites qui est identifiée.
En outre, cette méthode a permis aux scientifiques de retracer l’origine des astéroïdes de taille kilométrique (taille qui menace la vie sur Terre). Ces objets sont la cible privilégiée de nombreuses missions spatiales (NEAR Shoemaker, Hayabusa1, Chang’E 2, Hayabusa2, OSIRIS-Rex, DART, Hera, etc.). En particulier, il apparait que les astéroïdes Ryugu et Bennu, récemment échantillonnés par les missions Hayabusa2 (de l’agence d’exploration aérospatiale japonaise ou JAXA) et OSIRIS-REx (de la NASA), et actuellement étudiés dans les laboratoires du monde entier, en France en particulier, proviennent du même astéroïde parent dont la famille de Polana est issue.
Néanmoins, l’origine des dix derniers pourcents de météorites répertoriées restent non-identifiée. Pour y remédier, l’équipe prévoit de poursuivre les recherches en se focalisant cette fois sur la caractérisation de l’ensemble des familles jeunes dont on sait que la naissance ne remonte pas à au-delà de 50 millions d’années.